Série / Témoignage - Debout Citoyen·nes ! Édition 2023

Jean-Claude

La révolte est importante : dans « Citoyen.n.es », il y a cette part de révolte, dans « Debout » il y a cette invitation à ne pas se soumettre, à devenir acteur de la société.

Témoignage recueilli le 4 avril 2020 

 

 

Jean-Claude, peux-tu partager avec moi le contexte dans lequel tu es venu à Debout Citoyennes, ton état d'esprit du moment et ton ressenti par rapport à l'événement ?

 

Je suis venu car un de mes amis proches, Michael, est engagé dans le collectif Eklore. Il a trouvé dans ce mouvement quelque chose qui l’enchante, lui permet de se questionner et de trouver des réponses. Je voulais vivre ce moment fort ensemble pour nourrir ce qui nous anime avec quelque chose de très concret. Et puis j’ai aimé ce nom « Debout Citoyennes ». Quand je le vois, je vois citoyennes et citoyens dedans, c’est un mot extra-ordinaire, magique ! Nous n’exerçons pas assez ce pouvoir. Avec « Debout Citoyennes », je repense à des films comme « Demain », ces citoyens du monde qui œuvrent pour inciter le monde à prendre un autre chemin. Le but d’Eklore, de ce que je comprends, c’est de créer le demain des relations inter-humaines. On a besoin de ce nouveau lien.

Je ne voulais pas rater ça, pourtant je n’étais pas à Paris, je vis en Bretagne. Et il y avait aussi l’inquiétude. Le jour même, les événements de plus de 1000 personnes ont été interdits, je suis venu malgré tout. Je voulais voir la communauté Eklore en action pour mettre en avant le rôle des femmes dans la société. Pour moi les femmes sont souvent à l’initiative des chemins de bon sens, des bonnes orientations de vie. Debout Citoyennes a fait écho, je vivais ça en moi. Je pense à des femmes incroyables comme Olympe de Gouges, des femmes engagées. « Citoyen », c’est engagé, politique, je voulais être là pour tout ça.

 

Et fort de cet élan, si tu te replonges maintenant dans ce que tu as vécu à Debout Citoyennes, quel est le moment qui t'a particulièrement touché ?

 

C’est quand nous avons chanté sur l’air du Chant des Marais, je le connaissais, je l’avais chanté avec ma chorale. Alors quand nous avons été tous ensemble a chanté, je me suis levé, je me suis senti relié aux autres, c’était très fort. Et j’ai chanté très fort. Ce chant initialement a été écrit dans un camp de concentration. Les Hommes sont capables dans l’enfer de tellement de solidarité et d’entraide, c’est beau de ressentir ça ensemble. Pendant la seconde guerre mondiale, certaines personnes ont refusé l’indifférence, la lâcheté. Ce chant m’a connecté à cette urgence. La révolte est importante : dans « Citoyen.n.es », il y a cette part de révolte, dans « Debout » il y a cette invitation à ne pas se soumettre, à devenir acteur de la société.

 

Pourtant, j’ai aussi ressenti des émotions négatives. L’intervention des deux ministres a été douloureuse pour moi, je n’étais pas en phase avec le choix de les faire participer au même titre que les autres femmes. Je crains le risque de récupération, pour moi ça n’a pas sa place dans un mouvement a-politique. Ça a jeté comme un voile, qui fait que je n’ai pas pu recevoir comme j’aurais aimé. Mais quoi qu’il en soit, ce chant a éveillé le sentiment de solidarité et de nécessité. Quelques jours après Debout Citoyennes, le coronavirus nous dit que le monde ne peut pas continuer comme ça, qu’il faut se réapproprier la chose publique. Alors ce qui me touche c’est de rencontrer des femmes qui œuvrent. Avec ces 100 femmes sur scène, leur danse, leur poésie, c’était très beau, plein d’espoir, de foi en l’Homme et la Femme. Comme des flambeaux qui vous éclairent.

 

Et qu’est ce qui a été éclairé pour toi ? Maintenant que Debout Citoyennes a eu lieu, qu'est-ce qui a potentiellement changé pour toi ? Qu'as tu as envie de retenir ?

 

La question que je me suis posée c’est : de quoi Debout Citoyennes est-il le germe ? Je ne sais pas encore. Je dirais que j’ai vécu un espoir d’autre chose, une foi en germe, qui doit déboucher ensuite sur une implication plus forte dans la société. J’ai aussi une petite frustration, comme si je restais sur ma faim, comme si ces femmes en avaient dit trop peu. Il faut répandre ce mouvement, renforcer sa capacité d’action vers le plus grand nombre. Dans mon quotidien, j’essaie de prolonger ces rencontres, d’écouter d’autres sources que les médias qui nous abrutissent, de discerner ; le monde entier devrait être debout pour dire non à certaines inégalités. Le contre-pouvoir c’est cette information alternative. L’inertie des gens face à l’histoire, l’indifférence, la passivité me glacent. Debout Citoyennes est un germe contre cette indifférence et passivité, l’amorce d’une prise de conscience : permettre aux gens de transmettre pour donner aux autres l’envie d’être debout, de se lever contre l’injustice, contre les rapports de domination.

 

En ce sens, l’une des femmes qui m’a le plus touché, c’est Bénédicte Sanson et son combat pour le mentorat. Ou comment chacun au travers ce qu’il a vécu peut transmettre aux autres une expérience unique, une connaissance pour accélérer leur propre chemin. Moi j’ai par exemple beaucoup travaillé sur le chant, le placement de la voix, l’instrument vocal, je les ai démonté comme une horloge et maintenant je peux le transmettre, c’est ce qui me procure le plus de joie. Cette force du mentorat et de la transmission, c’est quelque part la force de Debout Citoyennes : les femmes, par leur capacité plus grande à connecter avec le réel et l’humanité, ont un rôle à jouer pour changer le système actuel ; en partageant une expérience qui les a transformé et qui peut transformer l’autre.

 

Si ce dernier temps de l'interview, c'était toi qui le définissais complètement, de quoi aurais-tu envie de parler ?

 

Ces femmes, comme Solenn Thomas, se battent pour faire changer le système, pour instaurer d’autres relations en entreprises, pour sortir de cette usure psychologique, mais c’est tellement dur… Comment ont fait quand le système est manipulant et aliénant ? Il y a dans la société une prise de conscience qu’il faut se mettre debout, les citoyen.nes ont un rôle à jouer pour entraîner les autres, pour enclencher des mouvements individuels et collectifs, pour répandre cette urgence à sauver ce qui est humain, à sauver ce qui est en danger à cause d’un système de prédation et d’absence de projection sur le futur. 

Alors je repars avec ce chant du futur : le chant est essentiel, tant de gens se l’interdisent alors que chacun a cette voix en soi. Le chant permet d’accoucher de la voix, et faire accoucher quelqu’un de sa voix c’est comme mettre au monde un enfant. Les voix Debout Citoyennes sont aussi cet accouchement.

 

 

 

 

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